samedi 23 octobre 2010

Une photo d'elle

De face, souriante. Plus que souriante, presque hilare. Son visage rond est saisi dans un rire qui montre ses dents et n'offre aucun sous entendu : elle rit, entièrement, sans arrière pensées, sans doute sur l'avenir.
On pourrait trovuer positif ce sourire, dans sa franchise et son insouciance, mais, je ne sais comment, il fait peur par son inconscience. C'est un sourire, non pas de consicence, mais d'inconscience : le temps s'arrète, elle se fige, comme lorsqu'elle était enfant et qu'il fallait poser pour un parent ou une parente qui voulait faire une photo : c'est précisément ce regard qu'elle a, le regard vide et heureux de l'enfance.

Sous le visage figé dans ce sourire vide, le corps : larges épaules rondes, buste fort, un top bras nus dont les bretelles évoquent deux piliers de ponts inversés ; une coupe impériale qui permet de masquer le ventre poussé en avant : elle n'est pas enceinte, mais pourrait l'être, et s'avachit debout, les bras totalement balants, sans esquisser le moindre geste pour accueillir, servir ; elle n'est pas figée entre deux mouvements, accueillir ses invités et servir le gâteau, elle est juste plantée là, comme lorsqu'elle dort, et ne pense probablement à rien qu'à la satisfaction d'être mère, de recevoir en temps que mère et épouse, ce qui lui a brusquement donné un statut ( de chômeuse célibataire dépressive à épouse et mère, il y a un univers).

On dirait une buche : sous le buste, les jambes sont deux poteaux qui eux non plus ne bougent pas, n'avancent dans aucune direction : une pierre, un tas de chair posé là, heureux de son statut social.

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